• La pensée

     

    La pensée

    Un soir, vaincu par le labeur
    Où s'obstine le front de l'homme,
    Je m'assoupis, et dans mon somme
    M'apparut un bouton de fleur.

    C'était cette fleur qu'on appelle
    Pensée ; elle voulait s'ouvrir,
    Et moi je m'en sentais mourir :
    Toute ma vie allait en elle.

    Echange invisible et muet :
    A mesure que ses pétales
    Forçaient les ténèbres natales,
    Ma force à moi diminuait.

    Et ses grands yeux de velours sombre
    Se dépliaient si lentement
    Qu'il me semblait que mon tourment
    Mesurât des siècles sans nombre.

    "Vite, ô fleur, l'espoir anxieux
    De te voir éclore m'épuise ;
    Que ton regard s'achève et luise
    Fixe et profond dans tes beaux yeux !"

    Mais, à l'heure où de sa paupière
    Se déroulait le dernier pli,
    Moi, je tombais enseveli
    Dans la nuit d'un sommeil de pierre.

    René-François Sullyprudhomme



  • Commentaires

    1
    Jodyne
    Samedi 24 Mars 2007 à 17:40
    J'aime aussi c'est tellement joli de dire les choses avec des fleurs!
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